• Samedi 18 juin 2011 : Last but not least

    Pour changer, je décide de partir tôt ce matin. Le timing est en effet très serré pour gagner la Croatie : soit je pars tôt pour arriver en fin de matinée, soit je n'atteindrai Zagreb qu'en milieu d'après-midi. Le bus est prévu à 6h25 et, ce matin, l'auberge ne sert pas de petit déjeuner. Je pioche donc dans mes réserves (un réflexe d'ours ...) et gagne un peu de temps de sommeil sans rien demander au personnel pour une fois.

    Avant que le bus n'arrive, la coïncidence veut que je retrouve les 3 anglaises d'hier. Nous prenons des nouvelles de nos descentes respectives et nous informons -partiellement- sur nos parcours. Je vais à Ljubljana, elles descendent à Bled Lesce. Adieu, bon voyage !

    Sur la route, deux accidents nous ralentissent fortement : une voiture sur le toit au milieu de la route d'abord, puis un accident moto contre tout-terrain. Finalement, je comprends les gens qui prennent des véhicules équipés de pare-buffles en ville : il y a tellement de 2-roues que ça en devient dangereux. Alors qu'avec cet équipement, ils sont sûrs de mettre ces sauvages KO. En tout cas, ça refroidit l'atmosphère.

    L'autobus parvient pile à l'heure à son terminus devant la gare de Ljubljana. J'ai ainsi 30 minutes pour aller visiter le guichet de Janez, le seul vendeur que je n'avais pas vu mardi. J'en profite également pour acheter un billet de train pour Zagreb (accessoirement), pour changer ma monnaie et pour prendre une boisson parce que mon premier petit déj' n'en comprenait pas. Ah, les ours étourdis !

    Je rejoins le quai où le panneau de départ fait rêver : le train vient de Zurich, rejoint Ljubljana puis Zagreb pour finir à Belgrade. Quel voyage ! Je n'en parcourrai qu'une infime partie mais ça me suffit pour aujourd'hui. Nous traversons au départ des paysages plutôt plats et céréaliers dans le centre du pays, avant de retrouver des collines et de longer la rivière Sava. L'habitat est moins traditionnel par ici : la brique a repris le dessus sur le bois. On pourrait être n'importe où en France. Et d'ailleurs, j'ai rapidement l'opportunité de voir une merveille que nous avons pu apporter à la Slovénie et qui la marquera à jamais : les cimenteries du groupe Lafarge. Le complexe est si étendu qu'il ne se contente pas de défigurer une seule vallée, il arrive à en défigurer plusieurs sur des kilomètres et des kilomètres ! C'est ecoeurant pour ma part ! But business is business alors peu importent les scrupules.

    Heureusement, en se rapprochant de la frontière, les paysages redeviennent plus naturels, me laissant ainsi un dernier aperçu un peu moins amer. A Dobova, ville frontière, le train s'arrête et les douaniers envahissent le train. Nous sortons de l'UE, les passeports sont contrôlés et deux compatriotes connaissent quelques difficultés avec leurs cartes d'identité qui ne satisfont pas les autorités. Le train repart et quelques kilomètres plus loin, c'est le second tour : à nouveau tous les documents sont contrôlés.

    Nous parvenons dans les faubourgs de Zagreb, probablement pas par le meilleur angle. Une grande cheminée se dresse en pleine ville, un peu comme à l'arrivée dans Oulan-Bator il y a une vingtaine de mois. Et l'architecture est plutôt triste. Les paroles de la portugaise d'hier soir me reviennent en tête et je décide de peaufiner mon évasion : je vais aller déposer mon sac à l'auberge puis vérifier la faisabilité de mon projet à l'office du tourisme.

    Pour le moment, je descends du train et le laisse filer vers la Serbie. Grosse surprise réciproque en gare d'arrivée : devinez sur qui je tombe ? Les 3 anglaises qui étaient apparemment dans le même train que moi ! Ce sera la dernière : elles filent vers Split, je vais vers l'hôtel. Nouveaux adieux. Les derniers.

    L'office du tourisme me renseigne sur mon projet : aller visiter le Parc National de Plitvice et ses nombreux lacs en cascade, un site que j'avais écarté pour privilégier la Slovénie. Mais le hasard fait que je peux réaliser facilement cet extra inattendu malgré le scepticisme des conseillers face au temps dont je dispose pour en faire le tour (un peu plus d'une demi-journée). Je relève le défi : avec tous les kilomètres accumulés depuis mon arrivée, je peux compter sur mon excellente forme pour découvrir au maximum le site dans le temps qui me sera imparti. Je ne peux laisser passer une telle chance qui, peut-être, pourrait ne jamais se représenter.

    Je gagne alors la station routière de la ville et m'arrête dans un supermarché pour acheter mon pique-nique quotidien. L'occasion de m'offrir la plus belle réaction de ce voyage. De retour à l'hôtel hier soir, j'en ai profité pour apprendre 6 mots en croate avant d'aller discuter dans la chambre. Ce supermarché m'offre l'opportunité de les utiliser : l'hôtesse de caisse en tombe des nues et appelle ses collègues. Une rencontre anecdotique et pourtant si joyeuse, si spontanée et si touchante.

    Arrivé à la station routière, j'achète un billet pour le site naturel mais la transaction ne se passe pas comme je le voudrais : je n'ai qu'un billet aller et pas de retour. Pour moi, c'est plutôt un souci dans le cas présent car j'ai déjà failli rester en carafe, en Pologne, dans une situation similaire. Mais la vendeuse me garantit que comme cela j'aurai le choix de la compagnie que je voudrai. Soit.

    Me voilà parti pour 2h de bus et 140km. J'ai la chance (bien que je ne le sache pas encore) de voir s'asseoir à côté de moi Katarina, une des deux plus belles rencontres de ce voyage avec Quinn, l'américain de Bohinj. Je lie conversation pour qu'elle me signale lorsque je dois descendre car ça risque d'être en pleine campagne. Elle veille alors sur le bon déroulement de mon voyage en allant informer le chauffeur et en me renseignant à intervalles réguliers. Mais mon "strong accent" rend provisoirement toute autre conversation très difficile. Le bus est englué dans les embouteillages sur l'autoroute et la chaleur plus mon lever matinal m'assomment un petit peu. Une heure après le départ, Katarina reprend la conversation curieuse du voyage que je suis en train d'effectuer. Elle, est étudiante en dernière année d'ingénierie mécanique dans l'armée de terre croate. Tous les deux mois, comme aujourd'hui, elle rentre dans sa famille à Split. Pour l'instant, elle n'a pas assez de moyens pour voyager (comme tous les étudiants) donc elle est émerveillée par les voyages que je lui décris et aimerait elle-même avoir une opportunité. Et en fait, elle en a déjà eu une qui m'aurait facilement fait tomber à la renverse si je n'étais pas assis : en tant que chrétienne pratiquante, elle a été à Lourdes une fois. J'ai grandi à 40km ! Le voyage se poursuit par des échanges croisés sur différents thèmes : la venue du Pape 15 jours plus tôt, ses vacances de 15 jours par an (la norme en Croatie) au bord de la mer ou la description de sites à voir dans son pays. En pleine conversation, nous sommes obligés de nous arrêter car je suis parvenu à destination. Nouveaux adieux pour cette journée mais pas encore la dernière rencontre.

    A l'entrée du site, la guichetière m'oriente sur le parcours B étant donné le temps dont je dispose. Mais je vais rapidement me rendre compte que ce parcours est bien trop petit et adapter la distance parcourue. Un seul impératif : le billet ne donne droit qu'à 1 bateau, 1 bac et 1 "train". Pour le reste, chacun est libre de faire comme il l'entend, tous les parcours se recoupant en divers endroits.

    Lacs de Plitvice - Bateau

    Le Parc de Plitvice est le plus grand des 8 parcs nationaux croates et fut créé en 1949. 30 ans plus tard, il est inscrit sur la liste du Patrimoine Naturel Mondial de l'UNESCO pour ses  reliefs karstiques et ses formations de tuf. Celui-ci se forme par sédimentation du carbonate de calcium au fond de l'eau. Les exemples ne manquent pas sur le parcours comme cette cascade relativement importante ou les arbres morts visibles sous l'eau et recouverts d'un linceul de calcaire.

    Lacs de Plitvice - Cascade Lacs de Plitvice - Arbre mort

    Le site permet de découvrir en une boucle de 18km (pour le plus grand tour), une succession de 16 lacs en cascade. Ici, l'eau est partout et peut changer, au fil de l'année, de lit. Sa transparence et sa couleur sont vertigineuses : les poissons et le relief aquatique ressortent avec une impression de 3D déstabilisante car inhabituelle.

    Lacs de Plitvice - Cascade venant du Gavanovac Lacs de Plitvice - Lac Milanovac Lacs de Plitvice - Lac Okrugljak

    Le visiteur se promène sur des passerelles en bois et parfois dans la forêt, sur des parcours très bien balisés qui permettent toujours soit de raccourcir son chemin soit au contraire de le prolonger. C'est précisément cette seconde option que je privilégie à chaque croisement, envoûté par mes découvertes. Je dispose en effet de 4h30 et même si, à ce moment-là, je ne connais pas la distance totale du grand tour, je constate que je progresse bien et bénéficie de coups de pouce. Par exemple, le bateau va partir presque à mon arrivée alors que d'autres l'attendent 20 minutes.

    Lacs de Plitvice - Passerelle Lacs de Plitvice - Passerelle au milieu des lacs

    La lassitude est impossible tant les écoulements prennent des formes multiples. Au long du parcours, il est en outre possible de voir les chutes sous tous les angles : d'en bas, au milieu de la cascade, voir depuis le haut l'eau se jeter dans le vide ou s'engouffrer dans un trou ... un spectacle qui ménage sans cesse de nouvelles surprises même lorsque l'on pense avoir déjà tout vu.

    Lacs de Plitvice - Grande chute Lacs de Plitvice - Plongée dans le vide Lacs de Plitvice - Vue d'en haut Lacs de Plitvice - Plongée dans les entrailles de la terre

    Une des plus belles vues est cependant atteinte dès l'entrée avec un belvédère donnant sur un ensemble de chutes.

    Lacs de Plitvice - Ensemble de chutes

    De retour à l'entrée, je me paie une belle frayeur : je sors du parc à 18h alors que les horaires placardés sur les murs affichent 17h50 pour le dernier bus de la journée. Le bureau d'information me confirme d'ailleurs ce point. Moi qui me méfiais de ne pas avoir de billet de retour, je n'avais pas tort ... Je tente alors de me joindre à 3 coréens qui rentrent en taxi sur la capitale mais d'autres personnes occupent déjà le véhicule et celui-ci est plein. Je finis alors par croiser un allemand qui m'annonce qu'il attend également le bus. Son chauffeur à l'aller lui a garanti un bus pour 18h du fait du retard accumulé sur un trajet de plusieurs heures depuis Split et Dubrovnik. Quelques minutes plus tard, le bus arrive. Je retrouverai bien mon sac ce soir !

    A nouveau 2 heures de route par le même chemin. La première partie du trajet que j'avais ratée en début d'après-midi est très jolie avec notamment un village de caractère, construit au bord d'une gorge et au milieu des cascades d'eau, dernier clin d'oeil à Plitvice.

    Nous rentrons dans Zagreb vers 20h. J'ai vraiment vécu une journée apaisante et profité d'une opportunité inattendue jusqu'à ce matin. Le centre-ville est plein d'animations à 21h : toutes les terrasses sont pleines. Un petit tour pour se dérouiller et je rentre à l'auberge de jeunesse. Pour moi, s'établit un parallèle entre ces lieux et le calendrier de l'Avent : chaque jour tu pousses une nouvelle porte et à chaque fois, une nouvelle surprise t'attend. Ce soir, je poursuis mon tour d'Europe et du monde. Jamais je n'aurai croisé deux fois la même nationalité ! La rencontre de ce soir est un ancien cheminot tchèque ayant quitté Belgrade il y a peu pour rejoindre petit à petit la Suisse où il va retrouver des amis pour faire de la voile. Son récit me rappelle le trajet du train de ce matin et me donne envie de prolonger jusqu'à Belgrade. Si seulement j'avais le temps !


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